mardi 27 janvier 2015

La Mégère apprivoisée (ou comment dompter l'insoumise) - Shakespeare, mise en scène Mélanie Leray

crédit photo: Christian Berthelot
t-n-b.fr
Dès le départ, tout indique que « ça va déménager ! » D’abord, le prologue, qui n’est pas celui du texte mais renvoie à La Tempête et au discours de la Reine à ses armées. La comédienne, Clara Ponsot, dans toute la détermination de son corps et de son regard, nous tient en joug. Elle maintient une tension guerrière. Et cela fait écho aux événements récents. On ne peut que la suivre et signifier son allégeance à ce corps du roi qui s’impose.
Puis, le rideau s’ouvre. Une voix féminine s’impose sur un arrangement musical aux accents à la fois contemporain (jazzy) et baroque. La scène, elle aussi contemporaine, avec un bar qui se transformera en baignoire, un salon qui sera le futur dancefloor. En fond de scène, l’écran. Déjà s’impose le dispositif vidéo : j’ai toujours eu un  peu peur que celui-ci soit redondant ; il ne le sera pas. La projection est, au contraire, tout au long de la pièce, subtile : s’il s’agit de tout montrer, en une sorte de logique « Big Brother », il s’agit d’abord de compléter, par la précision qu’offre l’image projetée, le jeu.
Entre Grumio, accoutré comme un rocker pathétique avec ses chaînes, ses lunettes noires, sa crinière. Il nous fait, à la manière d’un épisode de télénovela, le générique de la pièce et l’on voit défiler une galerie de portraits des personnages. On sent la légèreté, l’envie de s’amuser et d’amuser. De tourner en dérision. L’insoumise domptée s’engage alors à devenir indomptable.
Ces premiers éléments manifestent un parti pris que je suis prêt à suivre. On y voit le souci/l’exigence de ne pas illustrer. Pas de redondance, tout est dans le décalé et en même temps dans cette détermination initiale du prologue.

Mais peu à peu, le parti pris s’essouffle. L’intuition de placer Catherine en reine déterminée, combative, et qui, en même temps qu’elle décrit le processus de soumission, la dénonce, tombe à plat. Le décalage n’est plus alors celui, révélé et surprenant aux premiers instants, entre le point de vue du spectateur et ce qu’il voit. Il est désormais dans ce qu’il voit, dans le jeu, dans les attitudes, dans la scénographie. Le pari perd de son intensité au fur et à mesure des répliques, des postures trop attendues, et, aussi, dans ce corps des comédiens qui donnent l’impression de ne plus savoir ce qu’ils font. Et je ressens trop alors le dilemme que soulève le parti pris : faire contemporain avec Shakespeare !

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